2 notions de fiscalité : que faire en cas de doute sur l’application d’une règle fiscale

Concernant la fiscalité, on pense souvent que les entreprises n’ont à faire à l’administration fiscale qu’en cas de contrôle fiscal. Or, l’entreprise peut également entrer en relation avec l’administration fiscale préalablement à l’exercice de certaines activités. Cette démarche lui permet de bénéficier d’un régime de faveur : c’est l’objet des agréments fiscaux, ou d’obtenir des garanties de l’administration sur la règle applicable, c’est l’objet du rescrit fiscal.

Dans cet article, nous verrons 2 notions de fiscalité, les agréments fiscaux ainsi que le rescrit. L’idée est de pouvoir répondre à la question, que faire en cas de doute sur les règles en matière de fiscalité.

Les agréments en fiscalité

A.    définition des caractères généraux

L’agrément fiscal est une décision administrative qui autorise l’application d’un régime de fiscalité particulier pour la réalisation d’opérations déterminées. La procédure permet à l’administration de faire bénéficier au cas par cas certaines entreprises d’un régime de faveur afin de faciliter la réalisation d’opérations considérées comme digne d’intérêt sur le plan économique et social.

Lorsque le dispositif est agréé par l’administration et respecté par l’entreprise, il ne peut être remis en cause de sorte que l’agrément confère une sécurité juridique aux entreprises qui en bénéficient. L’administration peut néanmoins revenir sur sa décision si la loi change.

B.     les principaux agréments

1.      Les agréments en faveur du regroupement d’entreprise

Ces agréments concernent notamment le droit de transférer à la société bénéficiaire des apports, les déficits reportables en cas de fusion et d’opérations assimilées (article 209 II du Code Général des Impôts). En principe, les déficits que la société apporteuse a subis antérieurement à la date de la fusion ne sont pas déductibles des bénéfices de la société bénéficiaire des apports (pour éviter les effets d’aubaine et diminuer l’impôt en rachetant une société en difficulté). Il en va toutefois différemment si un agrément spécial a été délivré. L’agrément est de droit lorsque certaines conditions sont remplies notamment si :

  • L’opération est justifiée du point de vue économique : ce peut être le cas lorsqu’une entreprise absorbe un de ses fournisseurs en difficulté ou quand l’opération permet de préserver l’emploi dans un secteur d’activité.
  • L’opération obéit à des motivations principales autres que la fiscalité.
  • L’activité à l’origine des déficits est poursuivie pendant un délai minimum de 3 ans.

2.     Les agréments en faveur de l’aménagement du territoire

Certains territoires sont en difficultés. L’administration encourage donc l’installation d’entreprises sur ces territoires. Ces agréments conditionnent notamment :

  • La déduction du résultat imposable à l’IS des investissements réalisés dans les départements d’outre-mer (article 217 UNDECIES du CGI)
  • L’exonération totale ou partielle de l’IS pour les bénéfices réalisés au titre d’activités nouvelles dans les départements d’outre-mer pendant une période de 10 ans (article 208 QUATER du CGI).

3.     Les agréments en faveur de la conservation du patrimoine national

Ces agréments conditionnent notamment l’exonération des droits de mutation applicable aux dons et legs à l’état d’œuvres de haute valeur artistique ou historique (article 1131 du CGI).

4.     Les agréments en faveur des entreprises en difficulté et des PME

Ces agréments conditionnent l’exonération d’IS en faveur des entreprises créées pour reprendre les entreprises industrielles en difficultés (articles 44 SEPTIES du CGI).

C.     Procédure

1. Demande préalable du contribuable

L’obtention de l’agrément est subordonnée à une demande du contribuable préalablement à la réalisation de l’opération. La demande est établie d’après un modèle fourni par l’administration, qui doit préciser l’identité du demandeur, la nature de l’opération envisagée et l’avantage en terme de fiscalité sollicité.

Si l’entreprise fait la demande après le début de la réalisation de l’opération, l’administration ne se prononcera pas.

2.     La délivrance de l’agrément

L’agrément est délivré par le ministre du budget ou par délégation par les directeurs régionaux ou départementaux des finances publiques. Les décisions d’agrément prennent la forme d’un arrêté individuel. L’absence de réponse de l’administration dans un délai de 2 mois vaut en principe décision de rejet mais des agréments tacites sont dans certains cas prévus.

La jurisprudence distingue les agréments de droit qui ont pour objet de permettre à l’administration de s’assurer que les conditions légales soient remplies et les agréments discrétionnaires :

  • Lorsque l’agrément est de plein droit, l’administration est tenue de le délivrer dès lors que les conditions légales sont remplies par l’entreprise. L’administration dispose toutefois dans les faits d’un pouvoir d’appréciation lorsque les conditions posées sont générales. Le refus de l’agrément doit être motivé.
  • Lorsque l’agrément est discrétionnaire, l’administration n’est pas tenue de l’accorder même si toutes les conditions sont remplies. L’administration définit cependant certains critères. La décision de refus n’a pas à être motivée.

Un refus d’agrément peut être contesté par la voie du recours pour excès de pouvoir dans les 2 mois de la notification de la décision de refus.

3.     Le retrait de l’agrément et la déchéance

L’agrément peut faire l’objet d’un retrait lorsque le contribuable ne respecte pas ses engagements ou si les conditions auxquelles l’octroi a été subordonné ne sont pas remplies. Le contribuable peut toutefois invoquer un cas de force majeure (évènement extérieur et imprévisible). La décision de retrait entraîne :

  • La déchéance des avantages fiscaux liés à l’agrément,
  • L’exigibilité immédiate des impôts dont le contribuable a été dispensé,
  • L’application d’intérêts de retard.

Le rescrit fiscal

A.    Le rescrit de droit commun

1.      Son champ d’application

Le rescrit de droit commun permet à l’entreprise d’obtenir une garantie sur une situation. Par exemple, si une entreprise ne sait pas quel taux de TVA appliquer, au lieu d’appliquer un taux incorrect et donc de risquer une correction rétroactive et des pénalités, l’entreprise peut faire un rescrit fiscal afin d’obtenir une réponse garantie par l’administration fiscale. Il est également possible de consulter les rescrits déjà réalisés car ceux-ci sont publiés.

L’administration peut donc être interrogée :

  • sur l’interprétation de textes fiscaux : la position exprimée lui est opposable.  
  • sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte de fiscalité : lorsque l’administration a pris formellement position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal, elle ne peut procéder à aucun rehaussement à l’égard d’un contribuable de bonne foi.

2.     Conditions d’application du rescrit

Le contribuable doit demander par écrit à l’administration de prendre position sur une situation de fait : taux d’amortissement, détermination du montant d’une provision, catégories de revenus BIC, BNC … La prise de position de l’administration doit être formelle c’est à dire écrite, signée, et portée officiellement à la connaissance du contribuable par un agent ayant au moins le grade de contrôleur.

Ne constituent pas une prise de position formelle une réponse formulée oralement par un agent de l’administration ou l’abandon d’un rehaussement dans le cadre de la réponse aux observations du contribuable sans motivation expresse.

En vertu de l’article L 80 B du LPF, l’administration qui est saisie d’une demande écrite, précise et complète doit se prononcer dans un délai de 3 mois et dans certains cas, une absence de réponse équivaut à un accord tacite.

Lors d’un contrôle, une proposition de rectification (document par lequel se conclue le contrôle) peut servir de support à une demande de rescrit. Le contribuable peut aussi solliciter au cours d’un examen de comptabilité ou d’une vérification de comptabilité avant l’envoi d’une proposition de rectification une prise de position formelle sur les points examinés et pour lesquels aucun rehaussement n’est proposé.

3.     L’étendu de la garantie

La garantie court à partir du jour où le contribuable a appliqué la position de l’administration et est applicable tant que la situation du contribuable ou la législation n’ont pas été modifiées.

B.     les rescrits particuliers

Les entreprises peuvent également solliciter l’administration afin de s’assurer que leur projet de dépense de recherche est éligible au crédit d’impôt recherche. L’administration doit répondre dans un délai de 3 mois pour permettre à l’entreprise de rapidement développer son projet. Au-delà de ce délai, elle est réputée avoir donné un accord tacite.

Pour en savoir plus sur le crédit d’impôt recherche : https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F35438

La procédure de rescrit concerne également les entreprises qui désirent s’assurer qu’elles revêtent le caractère de jeunes entreprises innovantes. L’administration doit également répondre dans un délai de 3 mois. Au-delà de ce délai, elle est réputée avoir donné un accord tacite.

Pour en savoir plus sur le caractère de jeunes entreprises innovantes : https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F31188

C.     Le second examen

Il est ouvert à l’ensemble des rescrits à l’exception des rescrits abus de droit et offre la garantie d’une seconde prise de position formelle de l’administration si le contribuable estime que cette dernière n’a pas correctement apprécié sa situation de fait au regard de l’application d’un texte de fiscalité.

Condition de forme : le contribuable doit s’adresser au service qui lui a répondu dans un délai de 2 mois décompté à partir de la date de réception de la demande initiale. La demande doit être formulée dans les mêmes termes sans évoquer d’éléments nouveaux.

Le second examen est effectué par un collège constitué de 6 membres de la DGFIP (Direction Générale des Finances Publiques) dont un a la qualité de président. Le collège doit se prononcer selon les mêmes règles et dans le même délai que ceux prévus pour la demande initiale.

C’est la seule voie de recours pour le rescrit.

Pour en savoir plus sur le rescrit fiscal : https://www.impots.gouv.fr/professionnel/le-rescrit-fiscal#:~:text=Le%20rescrit%20fiscal%20est%20une,droit%20fiscal%20(rescrit%20g%C3%A9n%C3%A9ral).

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