Transmission de patrimoine : comment concilier projet philanthropique et protection d’un proche ?

Transmettre son patrimoine est souvent un acte lourd de sens, reflet des valeurs et des relations qu’une personne a tissées au fil de sa vie. Pour certaines personnes, cette transmission va au-delà des seuls proches : elle est l’occasion de soutenir une cause, un projet philanthropique, une œuvre caritative qui leur tient à cœur.

Mais peut-on à la fois protéger un proche et donner à une association ? La réponse est oui, sous réserve d’un accompagnement juridique et fiscal adapté.

À travers le cas fictif de Monsieur Martin, nous explorons ici les solutions patrimoniales qui permettent de combiner solidarité familiale et philanthropie, dans un cadre sécurisé et optimisé.

TRANSMISSION PATRIMOINE

1. Exposé de la situation : entre famille et générosité

Monsieur Martin, 68 ans, célibataire, sans enfants, et sans héritiers réservataires, envisage de préparer sa succession. Cet homme, qui a toujours été proche de sa nièce Madame Lefèvre, souhaite lui transmettre un bien immobilier pour la sécuriser. Mais il est aussi un donateur fidèle de l’association reconnue d’utilité publique « Un toit pour chacun », qui lutte contre le mal-logement, et il aimerait soutenir cette œuvre de manière significative au moment de sa disparition.

Les objectifs sont donc doubles :

• Assurer un patrimoine stable et concret à Madame Lefèvre, en lui léguant sa maison de famille.

• Participer durablement aux actions de l’association qui lui tient à cœur.

1.1. Composition du patrimoine

Le patrimoine de Monsieur Martin est évalué comme suit :

• Maison d’habitation (où il réside) : 400 000 €

• Appartement locatif (loué) : 800 000 €

• Contrat d’assurance-vie : 150 000 €

• Liquidités : 80 000 €

Monsieur Martin souhaite trouver une solution équilibrée et pérenne, et se tourne vers son notaire, Maître Dupuis, pour élaborer un plan de transmission qui respecte ses volontés tout en intégrant les aspects fiscaux.

2. Solutions patrimoniales proposées : deux stratégies complémentaires

Face à ces souhaits, Maître Dupuis lui présente deux grandes options :

• Une transmission anticipée, réalisée de son vivant.

• Une transmission différée, via un testament prenant effet à son décès.

2.1. Transmission de son vivant : sécuriser tout de suite tout en se protégeant

A. Donation en nue-propriété de la maison d’habitation à Madame Lefèvre

Monsieur Martin pourrait donner la nue-propriété de sa maison à Madame Lefèvre, tout en conservant l’usufruit : il continuerait à y habiter et à l’utiliser jusqu’à la fin de sa vie.

Les avantages sont nombreux :

• Transmission anticipée d’un bien cher à son cœur, sans changer ses habitudes de vie.

• Fiscalement, les droits de donation sont calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété, soit environ 50 % de la valeur totale en fonction de son âge.

Attention, ces droits, soumis à un taux de 60 % (car la nièce n’est pas héritière directe), doivent être acquittés au moment de la donation. Monsieur Martin pourra, s’il le souhaite, prendre à sa charge ces frais, ce qui est admis fiscalement.

Ce montage nécessite aussi de prévoir des solutions de financement : par exemple, un rachat partiel de l’assurance-vie pour libérer des liquidités. Le notaire et le conseiller financier devront vérifier la pertinence fiscale d’une telle opération.

B. Donation temporaire d’usufruit de l’appartement locatif à l’association

Monsieur Martin, qui n’a pas besoin des revenus de cet appartement, pourrait en confier l’usufruit temporaire à l’association “Un toit pour chacun” pour une durée de 10 ans.

Concrètement :

• L’association percevrait les loyers pour ses actions sociales.

• Monsieur Martin réduirait son assiette imposable à l’IFI et son revenu imposable.

• En cas de décès avant la fin de la durée prévue, la fiscalité successorale sur ce bien serait allégée (abattement de 23 % par tranche de 10 ans restant à courir).

Cette donation permet donc à Monsieur Martin d’agir de son vivant pour une cause qu’il soutient, tout en obtenant un avantage fiscal immédiat.

2.2. Transmission au décès : prévoir un testament équilibré

Si Monsieur Martin préfère garder la jouissance de son patrimoine jusqu’au bout, il pourra formaliser ses volontés via un testament précis.

A. Testament instituant l’association légataire universelle, à charge de délivrer un legs particulier

Maître Dupuis lui propose de :

• Instituer “Un toit pour chacun” légataire universelle.

• Imposer à cette association la charge de délivrer à Madame Lefèvre la maison d’habitation, net de frais et droits (ceux-ci seront donc pris en charge par l’association).

Pourquoi cette solution est efficace ?

• Madame Lefèvre recevra la maison sans avoir à payer de lourds droits de succession (60 % en ligne collatérale).

• L’association bénéficiera du reste du patrimoine (notamment l’appartement et les liquidités), exonérée de droits en tant qu’œuvre d’utilité publique.

B. Forme du testament : sécuriser juridiquement les volontés

Deux options :

• Testament olographe : simple à rédiger, mais risqué (perte, contestation).

• Testament authentique : plus sécurisé, rédigé avec le notaire, conservé dans ses minutes.

Maître Dupuis conseillera le testament authentique, garantissant l’exécution fidèle des dernières volontés.

3. Points de vigilance pour la mise en œuvre

Le notaire devra :

• Vérifier la capacité juridique de l’association à recevoir et gérer ce legs (statuts, reconnaissance d’utilité publique).

• Anticiper les conséquences fiscales et patrimoniales, notamment sur la gestion des biens reçus.

De plus, il faudra anticiper le règlement de la succession (délai légal de 6 mois, voire 2 ans pour les associations, selon la pratique administrative).

4. Utilisation de l’assurance-vie dans la stratégie

Le contrat d’assurance-vie de Monsieur Martin (150 000 €) peut :

• Être attribué à Madame Lefèvre pour lui offrir une ressource financière immédiate.

• Ou désigner l’association comme bénéficiaire pour couvrir les frais liés au legs particulier (droits, frais notariaux).

L’assurance-vie, hors succession, permet ainsi de compléter la transmission selon les objectifs de Monsieur Martin.

5. Exemple de clause testamentaire rédigée

« Je soussigné, Monsieur Martin, institue pour légataire universel l’association “Un toit pour chacun”, à charge pour elle de délivrer à ma nièce, Madame Lefèvre, ma maison située à (…) que je lui lègue nette de tous frais et droits. »

6. Conclusion : conjuguer protection familiale et générosité

Grâce aux conseils experts de Maître Dupuis, Monsieur Martin peut réaliser une transmission intelligente de son patrimoine, respectueuse de ses attaches familiales et de ses engagements philanthropiques.

Cette démarche équilibrée permet de :

• Assurer un logement à sa nièce, sans l’exposer à une charge fiscale écrasante.

• Soutenir une association utile à la société, en lui confiant une partie substantielle de son patrimoine.

• Optimiser la fiscalité de la transmission, en évitant que le fisc ne soit le principal bénéficiaire.

Ce cas montre que le recours à des montages combinés (donation, démembrement, assurance-vie, testament) permettent de réaliser ses volontés dans un cadre sécurisé.

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Patrimoine Design

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