La location-gérance, aussi appelée gérance-libre, consiste pour une entreprise ou un organisme à confier la gestion du fonds de commerce ou du fond artisanal dont elle est propriétaire, à un tiers (entrepreneur individuel ou société), en contrepartie d’une redevance. Le propriétaire du fonds est appelé bailleur, et le locataire, le locataire-gérant. La relation de location-gérance est formalisée dans un contrat de location-gérance. Ce dernier peut être conclu pour une durée déterminée ou non. Il est conseillé de la faire rédiger par un professionnel tel qu’un notaire ou un avocat. Pour qu’un tel contrat ne soit pas nul au sens de la loi, plusieurs conditions, de fond et de forme, doivent être respectées.
Sommaire
1) Les conditions de fond pour une location gérance
Tout d’abord, des conditions générales de droit des contrats doivent être remplies. Ainsi, il est nécessaire que les parties contractantes aient la capacité de le faire et donnent leur consentement. En droit, toute personne est capable sauf les mineurs non émancipés et les majeurs soumis à un des régimes de protection. Le contrat doit également avoir un contenu licite et certain.
Des conditions spécifiques au contrat de location-gérance existent également. Un tel contrat peut être conclu uniquement quand il porte sur un fonds de commerce ou un fonds artisanal. A l’époque, le législateur imposait d’avoir exploité le fonds pendant au moins deux ans avant de le mettre en location-gérance, et ce pour éviter la spéculation. Cette exigence a néanmoins disparue depuis juillet 2019.
2) Les conditions de forme pour une location gérance
Ensuite des conditions de forme s’appliquent aux contrats de location-gérance.
2.1- Obligation subjective, c’est-à-dire liée au sujet
La personne qui va exploiter le fond, le locataire-gérant, doit avoir le statut de commerçant et être immatriculé au RCS (Registre du Commerce et des Sociétés) et au RNE (Registre National des Entreprises) au plus tard 15 jours après le début de son activité. Il est en effet nécessaire d’avoir la qualité de commerçant pour exploiter un fonds de commerce car il faut exercer des actes de gestion. A ce titre, le locataire-gérant doit également respecter les obligations comptables du commerçant et remplir les conditions juridiques pour exercer une activité commerciale.
Attention néanmoins à ne pas confondre la location-gérance avec la gérance salariée. Pour cette dernière, l’exploitation du fonds est dirigée moyennant rémunération, pour le compte et aux risques et périls du propriétaire. Le gérant-salarié n’a alors pas à avoir le statut de commerçant indépendant.
2.2 – Obligation objective c’est-à-dire liée à l’objet :
Lorsque le propriétaire du fonds de commerce est également propriétaire des locaux dans lesquels le fonds est exploité, aucune autorisation n’est nécessaire. Dans le cas inverse, l’autorisation explicite du propriétaire des locaux est à obtenir avant de conclure une location-gérance.
Par ailleurs, le contrat de location-gérance doit être publié dans un support d’annonces légales dans les quinze jours suivant sa signature. Ceci permet aux tiers d’être informés d’un changement d’exploitant. Tant que le contrat de location-gérance n’est pas publié le loueur est tenu solidairement des dettes contractées par le locataire-gérant dans l’exercice de l’exploitation du fonds. Le créancier peut donc dans ce cas demander l’intégralité de sa dette à une de ces deux parties.
Le bailleur est également solidairement responsable des impôts directs établis en raison de l’exploitation du fonds jusqu’à la publication du contrat. Cela concerne donc par exemple l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés ou encore les cotisations foncières des entreprises. En revanche, même sans publication, le bailleur ne sera pas responsable des dettes délictuelles ou personnelles du locataire-gérant, même si elles sont liées à l’exploitation du fonds. La TVA est également exclue du champ d’application de la solidarité.
Si l’ensemble de ces conditions ne sont pas remplies le contrat est nul de plein droit c’est-à-dire que la nullité peut être demandée par n’importe qui. Finalement, ces contrats entrainent plusieurs obligations lors de leur exécution mais également à leur expiration.
3) Les effets lors de l’exécution du contrat
Pour commencer, il est à noter que dans les 3 mois de la publication, les créanciers loueurs ont la possibilité de demander au locataire-gérant l’exigibilité immédiate des sommes qui leur sont dues mais qui ne sont pas encore exigibles. C’est un moyen de protéger les créanciers qui avaient passé un contrat avec le propriétaire du fond et non avec le nouveau locataire-gérant. En pratique cette démarche est faisable mais peut entraver la relation commerciale. Il faut donc mesurer le risque du locataire-gérant.
L’exécution du contrat fait également naître des obligations entre les parties.
3.1- Les obligations du locataire-gérant
- Assurer le paiement d’une redevance au propriétaire selon les conditions définies dans le contrat. Il peut s’agir d’une somme fixe, ou d’un pourcentage du chiffre d’affaires, des bénéfices ou des deux. Ce montant est fixé librement et peut être révisé à la demande de l’une des parties par lettre recommandée. Son versement peut être effectué mensuellement ou trimestriellement.
- Exploiter le fonds conformément à sa destination : la modification de l’activité ou l’ajout d’une nouvelle sans l’accord du bailleur est impossible
- Entretenir le fonds en état d’être exploité : le matériel hors d’usage doit être remplacé, les brevets renouvelés et l’entretien des locaux effectué
Des clauses peuvent avoir été ajoutées au contrat, elles sont alors également à respecter. Il peut notamment s’agir de :
- Clause de libre consultation de la comptabilité du locataire-gérant par le bailleur
- Clause interdisant toute cession ou sous-location de la location-gérance
- Clause de non-concurrence : cette dernière peut limiter le droit de rétablissement du gérant dans une zone géographique et pendant une période déterminée à la rupture du contrat
3.2- Les obligations du bailleur
- Livrer tous les éléments nécessaires à l’exploitation du fonds. Cela peut correspondre à la clientèle, aux brevets et licences, stocks, matériel, enseigne et nom commercial, marque le cas échéant.
- Garantir une exploitation paisible du fonds, incluant une garantie d’éviction, c’est-à-dire une garantie contre les troubles de jouissance émanant d’un tiers ou du vendeur lui-même, et la garantie des vices cachés. Cette dernière consiste à garantir le locataire-gérant contre un défaut rendant la chose impropre à l’usage auquel elle est destinée ou le diminuant de telle sorte que l’acquéreur ne l’aurait pas acheté ou à un moindre prix s’il en avait eu connaissance.
De la même manière que pour le locataire-gérant, le bailleur peut avoir à respecter diverses clauses insérées au contrat de location-gérance :
- Clause de non concurrence : elle a pour objet d’interdire au bailleur d’exploiter, pendant le contrat, un fonds concurrent situé dans une zone géographique définie
- Clause de reprise des marchandises à la fin du contrat
4) La fiscalité associée au contrat
La redevance versée par le locataire-gérant au bailleur est soumise à la TVA au taux normal de 20%. Le bailleur peut répercuter cette TVA sur le locataire si cela est prévu dans le contrat.
Les redevances sont imposées dans la catégorie des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC) pour le bailleur, et déductibles de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés pour le locataire-gérant.
5) Les effets à l’expiration du contrat
Un contrat de location-gérance peut prendre fin pour trois raisons différentes :
- Le contrat est arrivé à expiration et n’est pas reconduit : aucun droit au renouvellement du bail commercial n’est conféré au locataire-gérant
- Le contrat est résilié unilatéralement en respectant le préavis prévu, généralement fixé à 3 mois
- Le locataire-gérant ne respecte plus l’une de ses obligations
Il n’existe par principe aucune disposition encadrant la non-concurrence, le sort des stocks, ou qui s’intéresse à l’après-contrat. Ces dernières peuvent néanmoins être prévues contractuellement. Par ailleurs, si le locataire-gérant avait des salariés, selon l’article L1224-1 du code du travail, il y a un maintien du contrat de travail. Le locataire-gérant ne peut quant à lui prétendre à aucune indemnisation, bien qu’il puisse avoir contribué à renforcer la valeur du fonds.